mercredi 22 décembre 2010

“Aquí se escucha música de todas partes”



Nous écoutons la radio, regardons la télévision et surfons sur internet, et tout cela représente certes une abondance d’information, une socialisation peut être même, mais dépourvue du contact humain. Le message est dirigé à tous et donc à personne et quand nous avons l’impression de voir qui s’adresse à nous, il y a méprise, c’est un écran.
La culture andine, en Colombie ou autre part, a été perpétuée par la transmission orale. Il n’y a pas d’enregistrements ou de partitions de certains morceaux qui ont pourtant vécu des siècles. De même, la langue du Palenque de San Basilio, traité dans l’article précédent, n’avait jusqu’à récemment pas de transcription écrite. La transmission orale, qui prend des proportions de moins en moins importantes dans les cultures de nos jours, montre cependant des signes de résistance dans la rue.


Juan Pablo est un musicien colombien de Boyacá qui depuis une quinzaine d’années joue à Lourdes, une région du quartier de Chapinero. Il combine à lui seul batterie (rythmée par des mouvements de jambes – et donc danse par la même occasion), guitare, harmonica et voix pour un recueil de morceaux des années 1960 et 1970 principalement, et puisé notamment dans le répertoire national. Face à lui, l’Eglise de Nuestra Señora de Lourdes, inaugurée en 1875 ; cent mètres plus loin un regroupement de dealers et à côté, un marché d’artisanat. Aux alentours de midi et dix-huit heures, respectivement pauses déjeuner et sorties du travail collectives, toutes sortes de personnes s’arrêtent à la place de Lourdes. Qu’ils soient des ouvriers, commerçants, hommes d’affaires, ou étudiants, les flâneurs s’assoient sur les marches de l’Eglise ou sur les bancs, café à la main, et observent des mimes, écoutent des conteurs d’histoires... ou la musique de Juan.


Juan est musicien de rue depuis une vingtaine d’années. Depuis quinze ans à Lourdes, il joue également dans d’autres quartiers de Bogotá. Son répertoire varie entre musique pop, andine, ou les baladas des années 60. A Lourdes, il penche exclusivement  pour le « inolvidable » des années 60, « c’est beau » « puis, presque tous les bons genres de musique ont commencé à cette époque non ? Le rock classique, les Beatles, ils y sont tous ». Il vend également un CD, « baladas del ayer » qui selon lui, contrairement à sa performance publique qui attise la curiosité de tous, intéresse surtout les personnes âgées. « Ce sont ceux qui se souviennent, qui ont vécu cette époque, qui s’y reconnaissent ». Dans son répertoire au dos du CD, on dénombre une centaine de chansons de divers compositeurs de rock et de baladas de cette époque. Leur origine est ambiguë : on décèle de forts traits étatsuniens dans la plupart des morceaux, on y retrouve même des tubes brésiliens, comme Roberto Carlos de la même époque, traduits en espagnol. Tout semble indiquer que l’émotion recherchée est la nostalgie ; Juan met l’accent sur « la » meilleure musique, « lo inolvidable », « los clasicos », « lo mejor de la musica colombiana ».



Juan voit la rue comme un bon endroit pour se faire connaitre : « ça me permet d’avoir des contrats, des personnes qui m’écoutent et me proposent de jouer dans des bars ou des fêtes d’anniversaire », « et puis je vois beaucoup de monde ». Cela dit, il ne repère pas de grandes différences concernant le public selon les lieux où il joue mais plutôt des phases de réceptivité, « quand ça marche et quand ça marche pas ; là par exemple ça marche pas ».
Juan délibéra longuement quand je lui ai demandé quelle était selon lui la musique nationale colombienne. « (hésitation) On a beaucoup de variété en fait. (hésitation). Il y a la musique de la côte atlantique, pacifique, de l’intérieur… ». Puis opta finalement pour parler de sa région « …la musique andine comme le pasillo les guabinas, bambucos, il y en a pas mal chez moi, à Boyacá, plus récemment la Carranga aussi ».  Selon lui, la musique colombienne unifie les colombiens, malgré la diversité de genres nationaux : « ici, nous écoutons de la musique de partout ». A titre d’exemple, il évoqua le septimazo, une importante rue de Bogota fermée le vendredi et reconquise par les musiciens de rue, ce qui occasionne un rassemblement de plusieurs genres musicaux colombiens. De même, comme beaucoup d’entre eux, Juan voyage souvent, notamment « quand ça marche pas » ; A Medellin ou à Cali, son répertoire reste inchangé, les clés du succès n’ayant pas de raison de varier avec un public « pas si différent ». 

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